samedi 23 janvier 2010

II/ Les liens entre structure musicale et réactions


La musique agit sur nous. Mais qu'est-ce que la musique vraiment ? Quelle structure a-t-elle pour provoquer chez nous autant de réactions différentes ? Pour répondre à ces questions, nous avons étudié certains genre musicaux et leur par
titions. A l'aide d'études déjà réalisées, nous avons pu accorder nos résultats pour en tirer des conclusions.


L'écoute par des auditeurs d'un extrait musical nous a démontré que la tonalité musicale (la tonalité est comme une palette, un groupe de notes qui a une attraction vers la tonique. Dans une gamme, la tonique désigne la 1ère note ascendante) d'un morceau détient un pouvoir expressif. En effet, on observe des modifications du signal dans toutes les structures cérébrales quand la structure musicale change (tonalité, harmonie, rythme). C'est-à-dire qu'à un moment donné correspondant à un changement de la structure du morceau, l'auditeur trouve le morceau plus ou moins expressif qu'avant (manière directe) ou que les mesures de ses réactions vont changer (rythme cardiaque, respiratoire,...) (manière indirecte).

Ainsi, les changements de mode (dans la même gamme, on part d'une note autre que celle commençant normalement cette gamme, provoquant ainsi un changement dans l'organisation des tons et demi-tons. On obtient alors une autre gamme mais avec les mêmes notes.) et de tempo ont des influences sur la valence émotionnelle. Généralement, un morceau que l'on qualifierait comme gai est composé dans une tonalité majeure (la gamme dont est composée cette tonalité est majeure et admet ainsi un enchaînement de huit notes respectant l'ordre : ton - ton - demi-ton - ton - ton - ton - demi-ton) et d'un tempo qui augmente.

L’oreille perçoit toujours une masse sonore - d’où émergent souvent un premier plan et un arrière-plan - et non une simple superposition de couches indépendantes (comme quand on lit une partition). Autrement dit, peu importe la densité de la musique, le cerveau l’appréhende en bloc. Ce point mérite des précisions. Nous ne prétendons pas que l'oreille est incapable de distinguer des lignes indépendantes, mais plutôt qu'elle ne peut pas leur prêter, simultanément, une attention égale. Pour que l'auditeur n’ait pas l'impression d’une multiplicité d’événements indépendants se déroulant en même temps, les couches sonores doivent se fusionner en un tout cohérent, c'est-à-dire en accords. Cette fusion résulte en grande partie de la synchronisation harmonique et rythmique. Si le discours harmonique est logique, il créera, du même coup, des attentes au sujet de la direction musicale.


Accords parfaits de la gamme de Do majeur


Cependant, la plupart de "notre" musique (j'entends par là la musique que nous connaissons le mieux), autrement dit la musique « classique », est écrite dans une harmonie consonante (le morceau est formé sur des accords parfaits majeurs ou mineurs de trois notes). Quand les articulations sont liées et que le rythme est régulier, on a alors l'écriture type d'un morceau de musique classique qui aura l'effet de nous détendre. L'utilisation de l'agogique (elle désigne les légères modifications de rythme ou de tempo dans l'interprétation d'un morceau de musique de manière transitoire, en opposition à une exécution exacte et mécanique) change légèrement l'émotion du morceau, sa couleur.


Aujourd'hui, la musique « classique » est largement la plus fréquente avec la musique moderne. Elle intervient dans la musique classique, mais aussi dans la variété. Cette musique est composée dans des harmonies consonantes qui nous rassurent car c'est ce à quoi nous sommes habitués. Cependant, on observe que les ornements (ensemble des notes utilisées dans la tonalité qu'on a choisi ou des tonalités proches) sont beaucoup plus riches qu'au Moyen-Age, par exemple, époque à laquelle on ne pouvait imaginer un chant à plusieurs voix (polyphonie) et des accords de notes. On observe parfois des accords majeurs et mineurs mais qui ne sont pas parfaits car ils sont composés d'une quatrième voire d'une cinquième note qui crée un effet de dissonance.


Accords de 4 notes de la gamme de Do majeur


La musique ne cesse d'évoluer. On assiste d'ailleurs dans la fin du XXème siècle et au XXIème siècle à la naissance de musique dite contemporaine. Cette musique est basée sur des harmonies dissonantes (avec des accords dissonants), des rythmes très irréguliers qui nous perturbent. La colère est ainsi souvent exprimée dans la structure musicale par un tempo irrégulier, des changements de tonalités, de modes rendant certaines parties du morceau dissonantes et parfois irritantes. Nous sommes alors déstabilisés, gênés.

En effet, nous sommes habitués à ressentir les mêmes émotions car inconsciemment, nous connaissons la structure musicale et notre cerveau l'analyse pour former émotions et réactions physiques mais, avec la musique contemporaine, le cerveau doit fournir un travail auquel il n'a pas encore été confronté. Cela se vérifie à l'écoute de Jaap Blonk par exemple. Jaap Blonk est un autodidacte, compositeur, vocaliste et poète sonore. Ses études interrompues de mathématiques, physiques et musicologie l’ont surtout porté à se lancer dans une exploration de type dadaïste (caractérisé par un esprit irrévérencieux et léger, capacité de pouvoir créer de toutes les façons possibles, recherche de la liberté sous toutes ses formes par définition). Puis il s’est mis au saxophone et a commencé à composer de la musique… avant de découvrir la force et la flexibilité de sa propre voix.





Il faut être assez ouvert pour écouter cette musique et pour l'apprécier. D'autres compositeurs travaillent dans la musique contemporaine comme Pierre Boulez, Xenakis qui dit : « Je prends réellement en compte [leurs (les interprètes et le public)] limitations physiques […] mais ce qui est une limitation aujourd’hui peut ne pas en être une demain. » ou encore Krzysztof Penderecki qui a notamment orienté son travail sur les clusters (ou grappes de sons voisins, sont des agrégats de notes espacées d'un intervalle de seconde, c'est-à-dire d'un ton ou d'un demi-ton. Lorsqu'on appuie son poing sur le clavier d'un piano, on fait un cluster : un accord qui est éclaté sur plusieurs octaves, s'il est rassemblé sur une seule peut alors devenir un cluster par exemple.).

"On ne parle pas d’harmonie mais de structures verticales. Le phénomène le plus marquant et le plus fréquent est le cluster"

"Au niveau des sons écrits, on constate un ébranlement de la régularité métrique, jusqu'à l'apparition de l'aléatoire. Pas de pulsation rythmique."

On trouve cette phrase dans un commentaire sur une de ses œuvres : Thrène pour les victimes d'Hiroshima (1959-1961)



Nous n'avons malheureusement pas pu trouver une partition de Penderecki mais voici une partition illustrant tout aussi bien nos propos.


La musique a alors une toute autre signification, une autre interprétation qui nous mène jusqu'à des possibilités illimitées et par là à une infinité d'émotions à transmettre à l'auditeur.

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