jeudi 28 janvier 2010

Remerciements

Que serait autant de travail sans l'aide de personnes précieuses ?


Tout d'abord, il faut remercier les professeurs qui ont su nous guider tout au long du TPE. Ensuite, les élèves qui ont accepté de se prêter au jeu de certaines de nos expériences. Enfin, nous n'oublierons pas Jean-Michel KUESS qui a eu la gentillesse de nous faire parvenir son DVD.




Si vous avez quelques réclamations à faire quant aux articles, nous pourrons sans doute vous répondre après la remise des notes (c'est-à-dire pas avant Juillet 2010).

Quelques définitions

Musique baroque : période musicale de l'Histoire allant grossièrement de 1600 à 1750. "baroque" est un terme venant du portugais "barroco" signifiant "perle irrégulière". Au cours de cette période d'une très grande richesse dans l'histoire de la musique, naissent les premiers opéras, oratorios, cantates, suites, sonates et concertos...

Trois grands compositeurs de cette époque : J-B Bach, Vivaldi et Haendel.

=>La musique baroque se caractérise très souvent par la présence d'une basse continue, d'un rythme et d'une cadence continuelle, simple et régulière, et elle est la plupart du temps construite autour d'un ou de deux solistes (c'est le principe du concerto grosso). Tout comme la musique de la Renaissance, la musique baroque tend à se priver de nuances sonores très caractéristiques. Bien qu'il puisse y avoir des changements et des contrastes de dynamique, elles sont rares et lorsqu'elles arrivent, brutales et sèches.



Mémoire sémantique : La mémoire sémantique est la mémoire des connaissances définitives. Par exemple se souvenir combien il y a de jours dans la semaine et quels sont-ils. Si la zone située sur les côtés du cerveau correspondant au cortex temporal est lésée, ceci aboutit à des troubles de la mémoire sémantique.

=>Le terme de fonction exécutive désigne les activités mentales de planification et de régulation des comportements. On considère les fonctions exécutives comme unité organisatrice du cerveau en relation directe avec la mémoire de travail. Les fonctions exécutives sont perturbées chez des patients atteints de démence.



Stimulus, excitation : Ce mot, issu du latin aiguillon, correspond à l’ensemble de facteurs (chimiques, physiques, biologiques) susceptibles de provoquer une excitation. Une excitation est une activité nerveuse ou musculaire de nature électrique, faisant intervenir une réaction chimique ou physique. Autrement dit, il s’agit d’un phénomène ayant lieu dans l’organisme susceptible de déclencher une réponse de type musculaire ou endocrinien (hormonal). Le stimulus vient " troubler " certaines cellules de l’organisme en provoquant une réaction dépendant de la fonction même de la cellule. Ainsi, quand il s’agit de cellules appartenant au système endocrinien (élaboration des hormones), le stimulus va avoir pour conséquence l’émission d’une hormone dans le sang. Quand il s’agit d’une cellule musculaire, le stimulus va donner naissance à une contraction de la cellule musculaire, aboutissant à un mouvement d’un des composants de l’appareil locomoteur (bras, jambe etc.).



Dadaïsme : le dadaïsme, aussi appelé Dada, est un mouvement intellectuel, artistique et littéraire qui a marqué son époque (après la première Guerre Mondiale). Les artistes adhérant au mouvement dadaïste possèdent tous les mêmes dénominateurs communs : esprit irrévérencieux et léger, capacité de pouvoir créer de toutes les façons possibles, recherche de la liberté sous toutes ses formes.

lundi 25 janvier 2010

Conclusion


Voilà, nous espérons avoir répondu, sinon à toutes, du moins à une bonne partie de vos questions.
La musique n'a pratiquement plus aucun secret pour vous désormais : vous savez pourquoi elle vous détend souvent, vous met de bonne humeur, parfois.





Les premières notes retentissent. Nous y sommes, les 250 premières millisecondes sont passées : vous savez si cette musique est expressive ou neutre. Les 500ms également: vous avez identifié si cette musique exprimait plutôt de la colère, de la tristesse, de la gaieté ou de la sérénité. Ici, c'est plutôt mélancolique, non ? La magie de l'universalité de la musique a opéré. C'est le Clair de Lune de Debussy.
Notre cerveau a réagi depuis bien longtemps. Depuis les trois premières secondes du morceau, la musique a eu le temps de rentrer par nos oreilles, d'activer notre système limbique responsable des émotions ; notre amygdale cérébrale a une grande activité. Mais ce n'est pas la seule, nos aires de Broca et de Wernicke, qui participent au langage sont impliquées : l'amplitude, la fréquence et les vagues du cerveau augmentent. De la dopamine est libérée par les neurones, nous nous sentons bien.

Le cerveau n'est pas le seul à être sensible à cette douce musique, le cœur aussi. Le tempo est lent, les instruments s'accordent et se répondent à la fois. L'orchestre joue pianissimo et le calme s'impose. Le cœur bat au doux rythme du morceau. Nous voilà relaxés et malgré nous, cette œuvre musicale est inscrite dans notre mémoire sémantique.


Maintenant que nous sommes délassés et que notre esprit est alerte, nous sommes plus aptes à nous concentrer. Si vous avez régulièrement des insomnies, écoutez le concerto pour piano de Mozart, tandis que si vous avez mal au dos, le Requiem de Fauré sera parfait pour vous.
Plus tard, peut-être serez-vous atteints de la maladie d'Alzheimer. J'ai bien dit peut-être. De toutes manières, vous pouvez être tranquilles, la musicothérapie se sera sûrement beaucoup développée d'ici là, et elle vous permettra de vous retrouver, de retrouver des liens avec votre passé. Bien sûr, vous ne serez pas guéris, simplement un peu moins malades.

III/ Les utilisations de la musique


1) Une utilisation de la musique : la musicothérapie


La musique opère donc sur nous psychologiquement, physiologiquement et physiquement. On peut alors faire l'hypothèse que la musique peut guérir certaines maladies en agissant de manière précise de part sa structure musicale. Plusieurs expériences ont été réalisées pour déterminer de quelle manière pouvait être mise en valeur la musique dans la médecine d'aujourd'hui. Des résultats de ces expériences est née la musicothérapie, dans les années 1960. La musicothérapie est une des composantes de l'art-thérapie. Elle consiste en une utilisation judicieuse de la musique comme outil thérapeutique de base, pour rétablir, maintenir ou améliorer la santé mentale, physique et émotionnelle d'une personne.

Les travaux d'une équipe genevoise (Université de Genève) collaborant avec le Pr. Marcel Zentner, psychologue et ancien enseignant à l'université de Harvard et son collègue Klaus Scherer se prêtent à des applications prometteuses notamment dans ce domaine. Autisme infantile, psychoses chroniques, névroses, handicaps sensoriels, états dépressifs, sorties de coma… la liste est longue de ces pathologies pour lesquelles la musique peut rendre de grands services.


Il existe deux modes d'approche qui varient selon les publics auxquels on s'adresse :

La musicothérapie passive : le sujet écoute un programme sonore établi après un entretien et un test de réceptivité musicale. Des techniques de relaxation permettent de réduire l'état d'angoisse, de nervosité...

La musicothérapie active : elle est axée sur des productions sonores au moyen de la voix, les percussions ou autres. Le sujet devient créateur et s'exprime à travers la musique et les sons.


Le musicothérapeute qui agit dans le domaine du non verbal, cherche à atteindre la sphère émotionnelle du destinataire, à ouvrir des canaux de communications, à provoquer, à l’aide de stimuli sonores, un état émotionnel agréable, réconfortant, voire perturbant, propice à l’ouverture sur soi et sur les autres, pouvant permettre de lutter contre certaines douleurs, certains mal-êtres.

C'est le principe de la musicothérapie utilisée chez les autistes (l'autisme est une maladie qui frappe entre 15 à 30 personnes sur 10 000 (chiffres datant de 2003)). En effet, la composition musicale crée un monde intérieur très dense, ce qui en fait une activité quasi autistique. Béla Bartok , par exemple, était un compositeur autiste. Cette composition spontanée allie un monde intérieur au rendu du son. C'est donc une forme de communication non verbale passant par la sensibilité du musicothérapeute et de l'autiste, dont la passerelle est matérialisée par l'instrument (musicothérapie active).


Mais la musicothérapie peut être utilisée pour bien d'autres pathologies, notamment sur des patients victimes d'un accident vasculo-cérébral : en leur faisant écouter leur musique préférée 2h par jour, leur mémoire verbale a augmenté de 60% (29% sans musique), et leur capacité à focaliser leur attention de 17% (sans musique, aucune amélioration n'a été constatée). De plus, la musique soulage les enfants opérés et certaines musiques permettraient de guérir des enfants dyslexiques.


Plusieurs recherches ont été réalisées pour déterminer jusqu'où pouvait aller la musique. On sait maintenant que la musique, utilisée correctement, augmente notre seuil de résistance à la douleur. Par exemple, une heure de musique (variété) par jour pendant une semaine aide à diminuer les douleurs de l'arthrose, de la polyarthrite rhumatoïde et les problèmes discaux, selon les chercheurs de l'Ohio.


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2) La musicothérapie et la maladie d'Alzheimer.



Pour ce TPE, nous avons décidé de nous intéresser plus particulièrement à la maladie d'Alzheimer qui frappe environ 65 % des cas de démence, fréquente chez les personnes âgées. Cette maladie dégénérative reliée au vieillissement engendre un déclin progressif des facultés cognitives ; petit à petit, des cellules nerveuses localisées dans les régions du cerveau responsables de la mémoire et du langage sont détruites. Néanmoins, elle se distingue par sa progression lente et par le fait qu'elle touche surtout la mémoire à court terme, dans ses débuts.


Après avoir visionné le film La mémoire retrouvée de Jean-Michel KUESS, nous avons mieux saisi pourquoi la musicothérapie est utilisée dans certains centres gériatriques.

Comme le disent bien l'un des médecins et la musicothérapeute Pilar Garcia (elle dirige un atelier de musicothérapie dans l'hôpital gériatrique "Les Magnolias" de Ballainvilliers (91), tous les lundis matins, pendant une heure et demie) : "Ces personnes sont toujours les mêmes qu'avant, elles ont juste oublié comment retrouver cette personne toute seule."

C'est à ce moment que la musicothérapie intervient. Cette forme de médecine musicale doit aider ces personnes à retrouver la personne qu'elles étaient et qu'elles sont toujours. A l'aide de comptines revenues du passé, stockées dans la mémoire sémantique, la musicothérapeute redonne la mémoire aux patients. En effet, à peine a-t-elle commencé à chanter les premières notes et paroles "Si tu veux faire mon bonheur Marguerite..." qu'elles sont reprises en cœur "Lalala, les sabots...". Par exemple, une femme ayant perdu l'usage de la parole, ou plus précisément débitant une litanie de mots sans liens et incompréhensibles sinon pour elle, accompagne le chant et retrouve les bonnes paroles. Tous suivent le rythme, certains chantent même seuls une chanson entière ; nous repensons particulièrement à une dame se baladant dans les couloirs avec la musicothérapeute et chantant "J'ai la mémoire qui flanche..", un joli clin d'œil.

On observe donc que ces patients normalement incapables d'enregistrer de nouvelles informations et de les retenir, gardent la chanson dans leur esprit, sans toujours se souvenir du contexte dans lequel ils l'ont apprise.



"Ces personnes ont comme nous besoin de communiquer. Elles ont quitté leur maison, leurs enfants et parfois perdu leur conjoint. Leur perte de mémoire entraîne une perte d'identité, une perte de conscience du temps présent. Mais, elles ont gardé une mémoire sensitive et sémantique. Elles ont juste besoin de réactualiser leurs souvenirs", explique Jean-Michel KUESS.

Ainsi, la musique ravive la mémoire sémantique pour, finalement, une redécouverte de toute une partie de l'identité. Elle agit aussi sur le bien-être de tout l'hôpital : les patients trouvent un cercle de communication et sont moins agressifs entre eux et avec l'équipe soignante. Les familles de cinq personnes ayant été choisies par le réalisateur du film pour être filmées ont dit qu'elles n'avaient jamais vu, depuis trois ans, leurs parents dans cet état de bonheur ! La musique les rassemble et les fait exister ; la musicothérapie résulte donc de l'interaction entre le patient, la musique et le musicothérapeute. Parler de musicothérapie, c'est parler de communication.

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3) Des applications dans la vie quotidienne.


La musicothérapie ne cesse de repousser ses limites. Peut-être qu'un jour, votre médecin ne vous prescrira pas des médicaments, mais bien de la musique. A chaque bobo sa symphonie en quelque sorte. Voici des exemples d'"ordonnances" :


INSOMNIES : la Rêverie de Schumann, le Largo de Haendel, l'Avé Maria de Schubert et le XXIe Concerto pour piano de Mozart.





MAL DE DOS ET TENSIONS : la Sonate pour flûte, alto et harpe de Debussy, le prologue de la Belle au bois dormant de Tchaïkovski. Le Concerto l'Empereur de Beethoven suffira pour un simple apaisement. Et le Requiem de Fauré sera parfait pour la relaxation. La variété calme également la douleur.





BEBES ANGOISSES : L'ode à la joie de Beethoven ou les Corps glorieux pour orgue d'Olivier Messiaen sont, paraît-il, très appréciés des nouveau-nés, qui trouvent là de quoi calmer leurs angoisses. Les médecins préfèrent parfois offrir Mozart aux nourrissons pour "encourager leur développement physique et mental".






ETUDIANTS STRESSES (ou lycéens bien sûr) : de fait, la musique de cet illustre compositeur(Mozart, encore lui) semble avoir des effets très stimulants; au cours d'une de ses études, le Pr. Alfred Tomatis, pionnier de la musicothérapie, a observé que ses étudiants avaient amélioré leurs scores de 9 points à un test de QI, après avoir écouté, pendant dix minutes, la Sonate pour deux pianos en la majeur. Ceci pourrait s'expliquer par le fait que certains rythmes apportent une oxygénation optimale du cerveau, entraînant des bénéfices dans les tâches cognitives et donc augmentant temporairement le QI.






ENFANTS DISSIPES (ou lycéens) : si votre enfant doit résoudre un problème arithmétique complexe, un environnement calme est souhaité, avec la musique de Blanche-Neige ou bien les Gymnopédies de Satie. Cependant, si le problème est ennuyeux et facile, mieux vaut faire écouter une musique vive comme La danse du sabre de Khatchatourian.






MAUVAISE HUMEUR : plus le son est intense et les instruments nombreux, plus il y a de chances que la composition produise un effet positif. Celle du compositeur Edvard Grieg, Morning, rend particulièrement heureux.






MAUVAISES PERFORMANCES SPORTIVES : avant l'exercice, écouter de la musique rythmée ou douce. Elle préparera votre corps à l'effort et à la résistance.








MANQUE D'ALTRUISME : "Pouvez-vous rester plus tard ce soir pour me donner un coup de main ?" Écouter Songs without words de Mendelssohn vous aidera à répondre "oui". (Vous pouvez aussi vous servir de cela pour recruter des volontaires..)

(Nous n'avons malheureusement pas réussi à mettre cette chanson sur le blog. Si vous souhaitez l'écouter, vous pouvez la trouver en streaming sur internet.)



PAUVRE SYSTEME IMMUNITAIRE : Ecouter Miles Davis ou John Coltrane augmentera votre taux d'anticorps, d'après une étude de Francis Brennan et Carl Charnetski de l'université de Wilkes aux Etats-Unis. Votre sensibilité allergique sera réduite avec du Mozart (encore lui !).






La musique a un effet positif dans de nombreuses situations, du manque d'attention à la mauvaise humeur, en passant par les performances sportives.

Cela à d'ailleurs donné naissance à d'autres expériences étonnantes qui ont été réalisées dans des réfectoires. Lors de la diffusion de musique classique, le volume sonore a baissé de 6 décibels (soit 7% du volume sonore habituel) et de 10 décibels (soit 12% du volume sonore habituel) avec de la musique pop. L'agressivité a quant à elle diminué de 55% ! (un message à faire passer peut-être)

Dans le même cercle "public", la musique est également utilisée dans les centres commerciaux, qui diffusent de la musique douce entre midi et deux pour décompresser et des rythmes rapides l'après-midi pour booster les ventes : cette musique est censée influencer la perception du produit et le temps passé dans la boutique. Or, plus on s'attarde dans les rayons, plus on a de chances d'acheter.

De la même façon, des chercheurs ont étudié les commandes de bouteilles de la clientèle d'un restaurant américain. Résultat : avec du Mozart ou du Vivaldi, les clients n'achètent pas plus de bouteilles mais choisissent des crus plus coûteux car un morceau de musique classique amorcerait des mots tels que "culture", "raffinement", "prestige", et à leur tour, ces mots réactivent des noms de châteaux prestigieux que l'on a en mémoire tel Château-Lafite ou Margaux...

Gare également à la musique jazz ! Dans un restaurant britannique, on a comparé les effets d'un morceau de jazz à tempo rapide (94 battements/min) à un morceau de jazz à tempo lent (72 battements/min). On a comparé le temps passé à table et les additions : avec le tempo rapide, les clients passaient 84 min dans le restaurant et dépensaient 22 livres alors qu'avec le tempo lent, ils restaient 96 min et dépensaient 5 livres de plus...


Quelques anecdotes.

> Le rythme aide à mettre en ordre le mouvement ; expérience sur un garçon qui ne pouvait pas attacher ses chaussures. Il a appris pendant le deuxième essai quand la tâche de nouer ses chaussures a été mise à une chanson. Le rythme l'a aidé à organiser ses mouvements physiques pendant ce temps.


> Albert Einstein était stupide à l'école. Ses professeurs d'école primaire ont dit à ses parents de le sortir de l'école parce qu'il était "trop stupide pour apprendre". Au lieu de suivre les conseils de l'école, les parents du petit Albert lui ont acheté un violon ; la musique a été un élément déclencheur chez lui. En improvisant sur son violon, il a résolu ses problèmes et équations et cela lui a permis de devenir l'un des hommes les plus intelligents qui aient vécu.

(N.B. Nous sommes sûres que A.Einstein a suivi des cours de violon dans son enfance et qu'il a gardé cette passion jusqu'à la fin de sa vie, cependant, un seul site rapporte que cela a été un des éléments déclencheurs de son génie)


samedi 23 janvier 2010

II/ Les liens entre structure musicale et réactions


La musique agit sur nous. Mais qu'est-ce que la musique vraiment ? Quelle structure a-t-elle pour provoquer chez nous autant de réactions différentes ? Pour répondre à ces questions, nous avons étudié certains genre musicaux et leur par
titions. A l'aide d'études déjà réalisées, nous avons pu accorder nos résultats pour en tirer des conclusions.


L'écoute par des auditeurs d'un extrait musical nous a démontré que la tonalité musicale (la tonalité est comme une palette, un groupe de notes qui a une attraction vers la tonique. Dans une gamme, la tonique désigne la 1ère note ascendante) d'un morceau détient un pouvoir expressif. En effet, on observe des modifications du signal dans toutes les structures cérébrales quand la structure musicale change (tonalité, harmonie, rythme). C'est-à-dire qu'à un moment donné correspondant à un changement de la structure du morceau, l'auditeur trouve le morceau plus ou moins expressif qu'avant (manière directe) ou que les mesures de ses réactions vont changer (rythme cardiaque, respiratoire,...) (manière indirecte).

Ainsi, les changements de mode (dans la même gamme, on part d'une note autre que celle commençant normalement cette gamme, provoquant ainsi un changement dans l'organisation des tons et demi-tons. On obtient alors une autre gamme mais avec les mêmes notes.) et de tempo ont des influences sur la valence émotionnelle. Généralement, un morceau que l'on qualifierait comme gai est composé dans une tonalité majeure (la gamme dont est composée cette tonalité est majeure et admet ainsi un enchaînement de huit notes respectant l'ordre : ton - ton - demi-ton - ton - ton - ton - demi-ton) et d'un tempo qui augmente.

L’oreille perçoit toujours une masse sonore - d’où émergent souvent un premier plan et un arrière-plan - et non une simple superposition de couches indépendantes (comme quand on lit une partition). Autrement dit, peu importe la densité de la musique, le cerveau l’appréhende en bloc. Ce point mérite des précisions. Nous ne prétendons pas que l'oreille est incapable de distinguer des lignes indépendantes, mais plutôt qu'elle ne peut pas leur prêter, simultanément, une attention égale. Pour que l'auditeur n’ait pas l'impression d’une multiplicité d’événements indépendants se déroulant en même temps, les couches sonores doivent se fusionner en un tout cohérent, c'est-à-dire en accords. Cette fusion résulte en grande partie de la synchronisation harmonique et rythmique. Si le discours harmonique est logique, il créera, du même coup, des attentes au sujet de la direction musicale.


Accords parfaits de la gamme de Do majeur


Cependant, la plupart de "notre" musique (j'entends par là la musique que nous connaissons le mieux), autrement dit la musique « classique », est écrite dans une harmonie consonante (le morceau est formé sur des accords parfaits majeurs ou mineurs de trois notes). Quand les articulations sont liées et que le rythme est régulier, on a alors l'écriture type d'un morceau de musique classique qui aura l'effet de nous détendre. L'utilisation de l'agogique (elle désigne les légères modifications de rythme ou de tempo dans l'interprétation d'un morceau de musique de manière transitoire, en opposition à une exécution exacte et mécanique) change légèrement l'émotion du morceau, sa couleur.


Aujourd'hui, la musique « classique » est largement la plus fréquente avec la musique moderne. Elle intervient dans la musique classique, mais aussi dans la variété. Cette musique est composée dans des harmonies consonantes qui nous rassurent car c'est ce à quoi nous sommes habitués. Cependant, on observe que les ornements (ensemble des notes utilisées dans la tonalité qu'on a choisi ou des tonalités proches) sont beaucoup plus riches qu'au Moyen-Age, par exemple, époque à laquelle on ne pouvait imaginer un chant à plusieurs voix (polyphonie) et des accords de notes. On observe parfois des accords majeurs et mineurs mais qui ne sont pas parfaits car ils sont composés d'une quatrième voire d'une cinquième note qui crée un effet de dissonance.


Accords de 4 notes de la gamme de Do majeur


La musique ne cesse d'évoluer. On assiste d'ailleurs dans la fin du XXème siècle et au XXIème siècle à la naissance de musique dite contemporaine. Cette musique est basée sur des harmonies dissonantes (avec des accords dissonants), des rythmes très irréguliers qui nous perturbent. La colère est ainsi souvent exprimée dans la structure musicale par un tempo irrégulier, des changements de tonalités, de modes rendant certaines parties du morceau dissonantes et parfois irritantes. Nous sommes alors déstabilisés, gênés.

En effet, nous sommes habitués à ressentir les mêmes émotions car inconsciemment, nous connaissons la structure musicale et notre cerveau l'analyse pour former émotions et réactions physiques mais, avec la musique contemporaine, le cerveau doit fournir un travail auquel il n'a pas encore été confronté. Cela se vérifie à l'écoute de Jaap Blonk par exemple. Jaap Blonk est un autodidacte, compositeur, vocaliste et poète sonore. Ses études interrompues de mathématiques, physiques et musicologie l’ont surtout porté à se lancer dans une exploration de type dadaïste (caractérisé par un esprit irrévérencieux et léger, capacité de pouvoir créer de toutes les façons possibles, recherche de la liberté sous toutes ses formes par définition). Puis il s’est mis au saxophone et a commencé à composer de la musique… avant de découvrir la force et la flexibilité de sa propre voix.





Il faut être assez ouvert pour écouter cette musique et pour l'apprécier. D'autres compositeurs travaillent dans la musique contemporaine comme Pierre Boulez, Xenakis qui dit : « Je prends réellement en compte [leurs (les interprètes et le public)] limitations physiques […] mais ce qui est une limitation aujourd’hui peut ne pas en être une demain. » ou encore Krzysztof Penderecki qui a notamment orienté son travail sur les clusters (ou grappes de sons voisins, sont des agrégats de notes espacées d'un intervalle de seconde, c'est-à-dire d'un ton ou d'un demi-ton. Lorsqu'on appuie son poing sur le clavier d'un piano, on fait un cluster : un accord qui est éclaté sur plusieurs octaves, s'il est rassemblé sur une seule peut alors devenir un cluster par exemple.).

"On ne parle pas d’harmonie mais de structures verticales. Le phénomène le plus marquant et le plus fréquent est le cluster"

"Au niveau des sons écrits, on constate un ébranlement de la régularité métrique, jusqu'à l'apparition de l'aléatoire. Pas de pulsation rythmique."

On trouve cette phrase dans un commentaire sur une de ses œuvres : Thrène pour les victimes d'Hiroshima (1959-1961)



Nous n'avons malheureusement pas pu trouver une partition de Penderecki mais voici une partition illustrant tout aussi bien nos propos.


La musique a alors une toute autre signification, une autre interprétation qui nous mène jusqu'à des possibilités illimitées et par là à une infinité d'émotions à transmettre à l'auditeur.

jeudi 21 janvier 2010

I/ Les effets de la musique



1) Les effets physiqu
es de l'écoute d'une musique


Dès que vous croisez ce lecteur, le mieux est de le mettre en route... Et de l'arrêter si votre concentration s'en voit affaiblie.
(Pour nous, cette musique évoquera la sérénité)

Pour commencer, d'après notre vécu et de nombreux témoignages, nous avons remarqué que parfois, au cours de l'écoute d'une musique, il arrive que l'on ressente des frissons. Nous avons souhaité voir si ces frissons pouvaient être accompagnés d'un autre phénomène, et à quoi ils pouvaient bien être dus en prenant pour hypothèse le fait que l'écoute d'une musique expressive augmente le rythme cardiaque. Simplement équipées d'un électrocardiogramme, nous avons effectué des mesures toutes les 10 secondes. Voici les résultats, réunis dans un graphique.



Étude de graphique

Ce graphique nous montre l'évolution du rythme cardiaque lors d'une musique au cours du temps. Ici, une courbe représente cette évolution pour une musique gaie ou triste tandis que l'autre est pour une musique inspirant la colère. On remarque une augmentation des deux courbes assez similaires de T=0 sec à T=42 sec, on passe alors de 56 battements/minute à 66 batts/min. Les deux courbes se croisent en deux points à Ta=38 sec et Tb=42 sec : le rythme cardiaque est sensiblement le même. Les deux morceaux sont alors tous deux caractéristiques d'une musique gaie ou triste provoquant une augmentation du rythme cardiaque. A T=42 sec, on signale l'entrée d'un instrument en solo et un changement dans la tonalité du morceau. On observe alors un pic dans les deux courbes. Cependant, la courbe de la musique inspirant la colère monte jusqu'à 80 batts/min pour T=60 sec alors que la courbe d'une musique triste ou gaie a un pic à 75 batts/min pour T=60 sec. On en déduit donc que la musique représentée par la courbe rouge (colère) est plus susceptible de nous atteindre que pour celle de la courbe bleue. Après ce pic, les différents rythmes cardiaques diminuent en parallèle, sans que les courbes ne se croisent cette fois-ci. A T=90 sec, la courbe bleue indique un rythme à 62batts/min tandis que la courbe rouge indique un rythme à 73batts/min. Le rythme cardiaque d'un individu écoutant une musique qui le met en colère redescendra donc moins vite que celui d'une personne écoutant une musique triste ou gaie.

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C'est ainsi, la musique provoque chez nous des réactions que nous serions loin d'imaginer. Qui n'a jamais senti son corps lui «échapper» l'espace d'un frisson de plaisir lors de l'écoute d'une musique qui lui est particulièrement plaisante ? Qui n'a jamais eu la chair de poule devant la puissance d'une orchestre philharmonique (ou orchestre symphonique) en action ou lors d'un concert autre ?



La musique peut en effet nous atteindre au point de provoquer des réactions physiques comme les frissons dans le dos et la chair de poule. Ces deux réactions sont les plus fréquentes mais il en existe d'autres plus visibles comme les larmes, qu'elles soient de tristesse ou de plaisir, ou encore le battement de notre pied en rythme avec la musique. Cependant, quand on est plus attentif, on remarque que le rythme cardiaque et le rythme respiratoire varient. Par des études plus poussées, on peut aussi observer que la conductance de la peau (c'est-à-dire la capacité que présente la peau à conduire un infime courant électrique) augmente grâce à la transpiration de la peau provoquée par une émotion forte.


Toutefois, certaines musiques sont plus fréquemment associées à des modifications physiologiques spécifiques.


On remarque donc qu'une musique relativement calme relaxe le pouls qui se cale alors sur le battement de la musique et cause ainsi l'augmentation d'endorphine (un neurotransmetteur), une substance produite par certaines cellules du système nerveux central, qui a des propriétés analgésiques (c'est-à-dire que c'est un antidouleurs : diminution de la douleur, contrôle de la respiration, diminution du stress et de l'angoisse). Par exemple, l'écoute de musique classique de la période baroque (Haendel, Bach et Vivaldi en sont trois grands compositeurs) pendant 30 minutes serait équivalent à une dose de valium (anxyolitique de la famille des benzodiazépines utilisé pour traiter l'anxiété, l'angoisse, il peut entrainer une dépendance. Augmente l'action cérébrale).

A l'inverse, une musique gaie ou triste provoque une accélération du rythme cardiaque et respiratoire et donc une augmentation de la pression sanguine.

Mais comment peut-on expliquer ces phénomènes ?



2) Les effets de l'écoute d'une musique sur le cerveau


Une chose est sûre : lorsque nous écoutons de la musique, notre cerveau ne reste pas inactif. En effet, la musique affecte l'amplitude (la puissance des impulsions électriques produites par le cerveau) et la fréquence de vagues (c'est le nombre de vagues d'une ondulation en une seconde, pouvant être comparée aux fréquences radio) du cerveau, pouvant être mesurées par un électro-encéphalogramme : des électrodes sont placées à des emplacements spécifiques sur le cuir chevelu pour détecter et enregistrer les impulsions électriques de l'activité cérébrale.

Pour mieux comprendre quelles sont les régions du cerveau actives lorsqu'on ressent un frisson lors de l'écoute de la musique, des scientifiques ont utilisé une autre technique, l'imagerie par résonance magnétique fonctionnelle, et ont demandé à des auditeurs d’écouter dans un scanner les musiques qui leur procurent généralement des émotions fortes. Ils ont constaté que la musique active les mêmes régions cérébrales que les stimuli ayant une forte implication biologique, tels que la nourriture, les stimulations sexuelles et certaines drogues : ces régions correspondent à deux petits groupes de neurones situés dans l'aire tegmentale ventrale (ou ATV) et le noyau accumbens. Ces régions, interconnectées entre elles constituent le circuit de la récompense.




En effet,
pour qu'une espèce survive, ses individus doivent en premier lieu assurer leurs fonctions vitales comme se nourrir, réagir à l'agression et se reproduire. L’évolution a donc mis en place dans notre cerveau des régions dont le rôle est de "récompenser" l’exécution de ces fonctions vitales par une sensation agréable.
L’aire tegmentale ventrale, situées en plein centre du cerveau, est particulièrement importante dans ce circuit. Elle reçoit de l’information de plusieurs autres régions qui l’informent du niveau de satisfaction des besoins fondamentaux ou plus spécifiquement humains.

L’aire tegmentale ventrale transmet ensuite cette information à une autre structure cérébrale située plus en avant : le noyau accumbens. Cette transmission s’effectue grâce à un messager chimique particulier produit par les neurones : la dopamine. Son augmentation dans le noyau accumbens et dans d’autres régions aura alors un effet de renforcement sur des comportements permettant de satisfaire nos besoins fondamentaux.
La vidéo ci-dessous résume simplement le rôle du circuit de la récompense dans la recherche du plaisir.




Maintenant que nous connaissons le circuit général de la musique dans le cerveau, il ne nous reste plus qu'à voir pourquoi nous nous relaxons lors de l'écoute d'une musique, hormis le fait que notre rythme cardiaque se calque sur le tempo d'une musique sereine.
En fait, la musique nous apaise parce qu'elle influe sur la production d'hormones du stress. Face à une situation alarmante, notre amygdale (un groupe de neurones en forme d'amande situé dans le système limbique, un groupe de structures du cerveau jouant un rôle important dans le comportement) s'active et stimule l'hypophyse, déclenchant la production de l'hormone ACTH (Adreno Cortico Tropic Hormone). Celle-ci gagne les glandes surrénales où le cortisol, autre hormone du stress, est libéré. Cette hormone a pour rôle d'augmenter la libération du sucre par le foie pour qu'il puisse être consommé par nos muscles, permettant une réponse rapide à la situation de stress. Écouter une musique apaisante interrompt ce mécanisme : le cortex auditif (qui analyse les informations auditives) inhibe l'amygdale, et la production d'ACTH cesse.





Nous savons désormais que lorsque nous écoutons de la musique, nous éprouvons du plaisir. Et éprouver du plaisir induit que nous éprouvons des émotions. Où sont donc situées les aires cérébrales impliquées dans l'émotion musicale ?
Sur ce point, les études ne concordent pas toutes. En effet, certaines affirment que les stimulations les plus intenses sont provoquées par des musiques tristes et mélancoliques, tandis que d'autres suggèrent que les deux hémisphères ne contribueraient pas de façon identique aux émotions musicales : l'hémisphère gauche serait plus actif lors de l'écoute de musique gaie, et l'hémisphère droit lors de l'écoute de musique triste.


C'est peut-être grâce à Emmanuel Kant que nous allons avoir une partie de la réponse à notre question : "La musique est le langage des émotions", nous a-t-il dit un jour. Cette phrase signifierait que la musique est traitée dans le cerveau par les mêmes régions que le langage, ce qui n'est pas faux.
En effet, plusieurs régions cérébrales participent à la musique, qui est une aptitude antérieure au langage. Le son est d'abord traité par les structures de l'oreille et les régions sous-corticales et corticales propres au système auditif. Puis interviennent différentes parties du cerveau, impliquées dans la mémoire, les émotions, les mouvements ou d'autres modalités sensorielles. Certaines sont communes à la musique et au langage et d'autres seraient spécifiques à la musique. Voici quelques unes de ces régions, cette liste n'étant pas exhaustive.



Ainsi, lorsqu'on écoute de la musique, les mêmes zones cérébrales traitent les mots parlés, le chant et les vocalises, avec une nuance toutefois. En effet, les activations sont un peu plus fortes dans l'hémisphère gauche pour le langage et dans l'hémisphère droit pour la musique ; les caractéristiques de fréquence (de l'aigu au grave) et de timbre (qui font l'identité d'une voix et la spécificité des instruments) sont plutôt traités par les lobes frontal et temporal droits, alors que le rythme et le tempo sont plutôt pris en charge par l'hémisphère gauche. Cette particularité est d'ailleurs à l'origine d'une œuvre majeure : Le Boléro de Ravel. Lorsqu'il l'a composé, le musicien souffrait d'une atteinte de l'hémisphère gauche, ce qui explique pourquoi le Boléro déroule un rythme et un tempo sans variation, et des timbres très enrichis.




S'il est si difficile de se débarrasser de l'air du Boléro une fois qu'on l'a écouté, c'est parce que, comme vu précédemment, il active de nombreuses structures cérébrales comme l'hippocampe et les structures limbiques impliquées dans la mémoire : la musique se grave dans le cerveau avec une prodigieuse facilité. Cette particularité n'a pas échappé aux maisons de disques qui matraquent leurs chansons à la radio, et pour cause : Isabelle Peretz, de l'université de Montréal a démontré que notre préférence va aux airs déjà entendus. Son équipe a fait écouter à des sujets deux séries de mélodies inconnues tout en glissant dans la deuxième liste des morceaux figurant déjà dans la première. Résultat, même si les volontaires ne les reconnaissaient pas, ils montraient leur préférence pour des mélodies entendues deux fois ou plus.

Une maladie dont Che Guevara était atteint, l'amusie congénitale, est très représentative du rôle important du cerveau pour ce qui est d'apprécier la musique, de ressentir des émotions grâce à elle, et d'en pratiquer. En effet, les personnes atteintes de cette pathologie possèdent un cortex trop épais par rapport à la moyenne (les messages ont donc plus de mal à passer dans certaines régions) et, pour eux, écouter de la musique s'apparente à entendre une "batterie de cuisine que l'on lance sur le plancher". Ils ont par ailleurs beaucoup de difficultés à pratiquer ne serait-ce que les bases de la musique, de la même manière que les dyslexiques, l'écriture.


Cependant, connaitre les aires cérébrales impliquées dans les émotions musicales ne nous suffit pas pour comprendre comment nait une émotion musicale et en quoi elle consiste.


3) Les effets psychologiques de l'écoute d'une musique





Que vous inspire cet idéogramme chinois ? Exprime-t-il plutôt de la tristesse, de la gaieté ? La réponse à cette question dépend tout simplement de la musique que vous écoutez en ce moment même ; si elle est plutôt triste, vous répondrez que cet idéogramme neutre exprime plutôt de la tristesse. Et de même pour toutes les émotions pouvant être ressenties par l'écoute de la musique. Cette petite expérience nous montre que l'émotion musicale influe sur le comportement de l'auditeur, et ce sans qu'il n'ait à exprimer ce qu'il ressent : les émotions musicales sont donc vécues.

Certes, les émotions musicales sont vécues, mais sont-elles vécues de la même manière par chaque individu ?
Bien sûr, nous écoutons de la musique pour le plaisir qu'elle nous procure mais ce plaisir est libre de prendre des formes variées, lesquelles dépendent seulement du vécu de son auditeur, et de son état au moment de l'écoute. Ainsi, une même œuvre évoquera pour une personne un sentiment de tristesse en rapport à un évènement auquel se réfère cette musique , alors que pour un autre, elle évoquera un sentiment gai par le souvenir d'un autre évènement plus joyeux. Cependant, si l'émotion dépendait uniquement des contextes d'écoute, l'œuvre donnée évoquerait autant d'expressions différentes qu'il y a d'auditeurs et chacun en aurait une expérience différente. De ce fait, lors d'un concert par exemple, une personne pleurerait tandis que son voisin rirait, or cela n'arrive jamais. On peut donc en déduire que les œuvres musicales ont une structure expressive suffisamment puissante pour imposer des états émotionnels communs à un grand nombre d'auditeurs : c'est ce qu'on appelle l'universalité de la musique, qui favorise la cohésion sociale. Il est ainsi avéré qu'il existe une certaine stabilité des réponses émotionnelles car quelqu'un qui possède une bonne base de donnée musicale sait quel type de musique s'ajuste le mieux à son état psychologique du moment, ou bien celui dans lequel il souhaite se trouver.



Nous venons donc ici de voir que les réponses émotionnelles sont quasiment les mêmes pour chaque individu, lors de l'écoute d'un même morceau. Elles sont divisibles en quatre grandes catégories que nous avons déjà plus ou moins vues lors de l'étude des réactions physiques possibles selon le morceau écouté : la gaieté, la colère (ou la peur), la tristesse et la sérénité. Mais peut-on ressentir des émotions plus subtiles ?

Expérience :


Présenter sur un ordinateur un extrait de 27 extraits musicaux suffisamment longs pour installer un climat expressif précis, et suffisamment courts pour que ce climat reste stable tout au long de l'extrait. Les extraits choisis représentent une large variété de styles musicaux, d'instruments et d'expressions. Le dispositif permet aux sujets d'écouter les extraits autant de fois qu'ils le veulent et ils doivent grouper par deux, trois ou davantage ceux qui évoquent une même émotion.


Résultats :

L'analyse des résultats montre qu'on peut les décomposer suivant trois axes :
- l'axe de l'énergie des émotions, qui va des émotions de grandes énergie (gaieté, colère) à des émotions de faibles énergie (dépression, sérénité).
- le second axe, la valence émotionnelle oppose des émotions positives (gaieté, sérénité) aux émotions négatives (colère ou désespoir). Cet axe ne retrace pas le caractère agréable généralement rapporté dans les études des émotions car l'une des spécificités de la musique est de pouvoir être jugée plaisante même si l'émotion induite est triste.
-et enfin le dernier axe, l'émotion corporelle ou corporalité est liée au mouvement corporel induit par la musique.


> Ainsi on constate que les extraits sont regroupés en quatre zones que l'on associe aux quatre principales émotions précédemment citées : la tristesse (valence négative, corporalité et énergie faible), la sérénité (valence positive, corporalité et énergie faible), la gaieté (valence positive, corporalité et énergie élevées) et la colère (valence négative, corporalité et énergie élevées).

Pour nous, une musique gaie...



Tout ceci nous montre bien que lorsque nous écoutons de la musique, les connaissances, les émotions et le corps sont liés. L'émotion ressentie par l'auditeur active des mouvements mémorisés qui, en retour, agissent sur la perception de la musique écoutée.
Ainsi, nos émotions musicales ne sont pas seulement intellectuelles car elles puisent dans les émotions liées aux expériences corporelles que l'auditeur a déjà vécu. C'est pourquoi les œuvres que nous écoutons prennent des positions spécifiques sur ces axes, ce qui fait qu'il y a une infinité de possibilités de combiner ces valeurs : il existe donc une infinité d'émotions différentes.


A présent que nous savons ce qu'est une émotion, et de quoi elle dépend, attardons-nous sur le temps que mettent ces réponses émotionnelles à être ressenties.
A première vue, on peut croire que les processus émotionnels de la musique sont plus lents que l'analyse du cerveau dans la vie quotidienne, car on dit qu'il faut "entrer" dans l'œuvre pour la ressentir. Or, le fait surprenant est que les réponses émotionnelles peuvent être très rapides, même plus rapides que l'analyse du cerveau dans la vie quotidienne.

Pour vérifier cela, on a fait écouter les 500 premières millisecondes de 27 extraits musicaux. Puis, on a demandé de regrouper les extraits qui évoquent des émotions similaires : les résultats obtenus sont identiques que ceux enregistrés lorsqu'on a fait écouter les 20 premières secondes. Dans l'absolu, seules 250 millisecondes suffisent pour reconnaitre si un extrait est plutôt expressif ou neutre. Or, ce fait est très important car cela signifie que le cerveau humain répond aussi vite émotionnellement à la musique qu'à un stimulus biologique pertinent comme une menace pour la vie de l'individu, par exemple.
Ainsi, il y a pour les émotions musicales une voie très rapide fondée sur les caractéristiques spectrales (si le morceau est expressif ou non), et une voie plus lente, qui analyserait les structures plus abstraites (identification de l'émotion évoquée) ; c'est pourquoi l'émotion musicale change au fil de l'écoute et s'enrichit à mesure que l'œuvre se déploie.
De ce fait, si l'écoute d'une musique triste pendant quelques minutes ne nous rend pas triste, son écoute pendant une heure, elle, change notre état d'esprit.



Le fait que nos réponses émotionnelles à la musique soient si riches, reproductibles pour le même individu et d'une personne à l'autre, rapides et si profondément enracinées dans notre cerveau montre que la musique a un statut bien défini dans l'espèce humaine. Ainsi, quelle est sa valeur adaptative ? A-t-elle été sélectionnée en même temps que le langage pour une autre voie de communication universelle ? Ou bien a-t-elle été sélectionnée parce qu'elle adoucit les mœurs, et que les sociétés dont les membres étaient sensibles à la musique se sont davantage multipliés ?
Certains émettent une séduisante hypothèse : les gènes qui nous ont rendus mélomanes ont été sélectionnés au cours de l'évolution pour que nos ancêtres du paléolithique apprécient la musique, certes, mais aussi pour que leurs émotions se synchronisent autour de rituels. Grâce aux mélopées, le groupe se soudait : ainsi, la musique nous ferait vibrer depuis le fond des âges...